La bibliothèque comme espace de jeu

PAR ZAZ ROSNET article publié dans La Revue des Livres Pour Enfants, n° 272

J’ai fondé la compagnie Les Cailloux sauvages pour créer des spectacles dont les enfants seraient les destinataires. J’ai imaginé une robe pour raconter, un costume spectaculaire qui me permettrait d’aller jouer partout. Ce spectacle tenant dans une valise, j’ai sillonné la France en train avec ma robe à histoires. Je trouvais ma place dans des espaces exigus ou très vastes, des jardins, des salles de spectacles ou de classe, des bibliothèques. 

Dix ans plus tard je continue à créer des spectacles et travailler régulièrement en bibliothèques. Ce qui fait mon plaisir ce sont les rencontres. Avec des gens, avec des livres, avec des gens qui aiment les livres. J’aime la façon dont on peut rencontrer un public dans une bibliothèque. J’y observe davantage de brassage des genres et des gens, qu’au théâtre. Il y a des bibliothèques qui sont comme des maisons, avec des habitudes et des habitués. Certains viennent voir un spectacle sur la seule confiance qu’ils accordent aux bibliothécaires. Il y a souvent un lien affectif qui me semble moins fort au théâtre. Et puis, qui va au théâtre une fois par semaine ? 

En me promenant en bibliothèques, j’ai rencontré une grande diversité de publics, d’équipements et de projets. Et de motivations pour programmer du spectacle parfois assimilé à de l’animation, souvent au service de la médiation. Il y a un accordage préalable au bon déroulement d’une représentation en bibliothèque. Il nous faut accepter un moindre confort qu’au théâtre, tout comme il faut que les bibliothécaires acceptent que leurs habitudes soient modifiées, leur territoire transformé et leurs horaires bousculés. Certains ont oublié que le spectacle est vivant, fragile, et que le Filmolux n’y pourra jamais rien. Pour quelques rendez-vous manqués je compte beaucoup de belles rencontres. J’ai souhaité créer une forme pour ces lieux de culture qui ne sont pas des lieux de spectacle, mais qui tendent à en accueillir de plus en plus. Ayant observé comment certains bibliothécaires cherchent des solutions pour recréer une configuration scénique, tentant de pousser les murs et de faire disparaître les étagères, j’ai imaginé d’utiliser ces obstacles.Pour jouer avec les contraintes des bibliothèques, il fallait pouvoir créer in situ. C’est ainsi que « Marabout bout de ficelle » est né avec la complicité de deux bibliothécaires parisiennes, Catherine Augros (à la bibliothèque Chaptal) et Viviane Ezratty (à l’Heure Joyeuse) qui nous ont ouvert leurs espaces pour des temps de résidence, nous permettant de chercher et créer sur mesure. 

La saison prochaine, c’est la médiathèque de Pessac (33), qui nous donne carte blanche pour inventer cinq rendez-vous avec le public, chromatiques, mouvementés, poétiques… 

Quel plaisir quand nous trouvons des terrains de jeu pour nos expérimentations, pour questionner l’intervention artistique dans l’espace public, et nourrir ce qui fait sens aujourd’hui pour moi : la rencontre, le lien, l’échange. 

On continue la visite ?